mardi 15 février 2011
Mensonge romantique et vérité romanesque, de René Girard. p. 182
Le sujet ne faisait rien, déjà, dans le désir « ordinaire », qui ne dût, en fin de compte, se retourner contre lui mais, entre ses malheurs et son désir, l'ignorant ne percevait aucun rapport. La masochiste perçoit le rapport nécessaire entre le malheur et le désir métaphysique ; il n'en renonce pas pour autant à ce désir. Par un contresens plus remarquable encore que les contresens antérieurs il va choisir, maintenant, de voir dans la honte, l'échec et l'esclavage non pas les conséquences inévitables d'une foi dans objet et d'une conduite absurde mais les signes de la divinité et la condition préalable de toute réussite métaphysique. C'est sur la faillite elle-même que le sujet assoit, désormais, son entreprise d'autonomie ; c'est sur l'abîme qu'il fonde son projet d'être Dieu.
Mensonge romantique et vérité romanesque, de René Girard. p. 110
Le dédoublement fait apparaître un triangle dont les trois sommets sont occupés pas l'amant, par l'aimée et par le corps de cette aimée. Le désir sexuel, comme tous les désirs triangulaires, est toujours contagieux. Qui dit contagion dit forcément second désir portant sur le même objet que le désir originel. Imiter le désir de son amant c'est se désirer soi-même grâce au désir de cet amant. Cette modalité particulière de la médiation double s'appelle la coquetterie.
La coquette ne veut pas livrer sa précieuse personne aux désirs qu'elle provoque mais elle ne serait pas si précieuse si elle ne les provoquait pas. La préférence que s'accorde la coquette se fonde exclusivement sur la préférence que lui accordent les Autres. C'est pourquoi la coquette recherche avidement les preuves de cette préférence ; elle entretient et attise les désirs de son amant, non pas pour s'y abandonner mais pour mieux se refuser.
L'indifférence de la coquette envers les souffrances de son amant n'est pas simulée mais elle n'a rien à voir avec l'indifférence ordinaire. Elle n'est pas absence de désir ; elle est l'envers d'un désir de soi-même. L'amant ne s'y trompe pas. Il croit même reconnaître dans l'indifférence de sa maîtresse cette autonomie divine dont il se sent lui-même privé et qu'il brûle de conquérir. C'est bien pourquoi la coquetterie fouette le désir de l'amant. Et ce désir, en retour, fournit un aliment nouveau à la coquetterie. Il y a là un cercle vicieux qui est celui de la médiation double.
La coquette ne veut pas livrer sa précieuse personne aux désirs qu'elle provoque mais elle ne serait pas si précieuse si elle ne les provoquait pas. La préférence que s'accorde la coquette se fonde exclusivement sur la préférence que lui accordent les Autres. C'est pourquoi la coquette recherche avidement les preuves de cette préférence ; elle entretient et attise les désirs de son amant, non pas pour s'y abandonner mais pour mieux se refuser.
L'indifférence de la coquette envers les souffrances de son amant n'est pas simulée mais elle n'a rien à voir avec l'indifférence ordinaire. Elle n'est pas absence de désir ; elle est l'envers d'un désir de soi-même. L'amant ne s'y trompe pas. Il croit même reconnaître dans l'indifférence de sa maîtresse cette autonomie divine dont il se sent lui-même privé et qu'il brûle de conquérir. C'est bien pourquoi la coquetterie fouette le désir de l'amant. Et ce désir, en retour, fournit un aliment nouveau à la coquetterie. Il y a là un cercle vicieux qui est celui de la médiation double.
Mensonge romantique et vérité romanesque, de René Girard. p. 78
L'indignation qu'excite en nous le snob est donc toujours la mesure de notre propre snobisme.
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